jeudi 11 août 2016

Burundi : Bujumbura durcit le ton

La crise se poursuit au Burundi et le gouvernement durcit le ton. Il refuse le déploiement de policiers de l’ONU sur son sol et vient de fermer ses frontières avec le Rwanda. Au même moment, les représailles se poursuivent.

« Le gouvernement du Burundi rejette toute disposition de la résolution en rapport avec l’envoi d’une force quelconque sur son territoire », a fait savoir le 3 août dernier le porte-parole du gouvernement burundais dans un communiqué. Une annonce claire et sans appel qui fait suite à la résolution de l’ONU adoptée quelques jours auparavant à l’initiative de la France et qui prévoyait le déploiement de 228 policiers dans le pays pour tenter d’y ramener le calme.

Pour Bujumbura, cette mesure enfreint sa souveraineté. Le gouvernement a même organisé des manifestations devant l’ambassade de France dans la capitale pour la dénoncer. Pourtant, il y a encore quelques temps, le pouvoir burundais se disait prêt à accueillir jusqu’à 50 policiers onusiens. Cette décision du pouvoir burundais montre une certaine « peur », explique Bernard Maingain, avocat indépendant exerçant dans la région des Grands lacs. « Si les policiers (de l’ONU, ndlr) sont courageux et indépendants, ils vont révéler un certain nombre de faits qui se passent au Burundi et que les observateurs indépendants présents sur place révèlent tous les jours ».

Relations de plus en plus tendues avec le Rwanda
 
Ces dernières semaines, le gouvernement de Pierre Nkurunziza semble donc avoir durcit le ton vis-à-vis de la communauté internationale, mais pas seulement. Samedi 6 août, il était désormais impossible pour les Burundais de se rendre au Rwanda, pays voisin. Agences de voyages fermées, policiers aux frontières… le président dit vouloir « protéger ses populations » car de nombreux criminels franchiraient les frontières. « Il faut savoir que les relations interpersonnelles dans la région des grands lacs sont séculaires, explique Bernard Maingain. Ce sont des zones où les familles, les amitiés, les relations professionnelles sont permanentes. Prétendre contrôler ces flux là, à mon avis, cela relève d’une lourde utopie ».

Il y a un processus de diabolisation qui est mené par le pouvoir burundais par rapport à Kigali
Bernard Maingain

Depuis quelques années, le Burundi et le Rwanda entretiennent des relations houleuses. Le gouvernement burundais accuse en effet son voisin de chercher à le destabiliser, notamment en soutenant des opposants burundais. « Il y a un processus de diabolisation qui est mené par le pouvoir burundais par rapport à Kigali », confirme Bernard Maingain. En mai dernier, les autorités burundaises ont d’ailleurs publié un rapport de 25 pages pour démontrer comment le Rwanda tente de s’ingérer dans les affaires du Burundi et arme les rebelles burundais.

Représailles
 
Pierre Nkurunziza semble vouloir tout contrôler : l'aide internationale, les flux de personnes qui quittent ou entrent sur son territoire mais aussi la presse. Alors que de nombreux médias ne fonctionnent plus depuis le début de la crise en avril 2015, des journalistes sont désormais réprimés ou disparaissent. C’est le cas de Jean Bigirimana, journaliste à Iwacu, disparu depuis le 22 juillet dernier. Sa famille et ses collègues accusent les agents du Service national de renseignement de le retenir enfermé dans un cachot. Ce que nient les autorités. Le renseignement burundais lui reprocherait ses déplacements fréquents au Rwanda. Lundi 8 août, un corps a été retrouvé dans la rivière Mubarazi. S’agirait-il du journaliste ? La question reste entière.

La situation des journalistes au Burundi ne s’arrange pas. Nombre d’entre eux ont même quitté le pays, craignant une répression. Mais cela n’a pas empêché le journaliste burundais Boaz Ntaconayigize de se faire poignarder début août, alors qu’il était en exil en Ouganda. Ce dernier, secouru de justesse, aurait reconnu parmi ses assaillants deux hommes qui pourraient faire partie des services de renseignement du Burundi. Face à cette situation, Reporters Sans frontières a appelé les « autorités burundaises à cesser leur politique d’intimidation envers les journalistes, jusque dans les pays voisins où ils sont en exil et de mettre un terme à l’impunité des services de renseignements et forces de sécurité ».

Les journalistes ne sont pas les seuls à être menacés par le gouvernement de Bujumbura. Lundi 8 août, l’ONU a dénoncé des représailles visant quatre avocats burundais. Ils sont accusés par le gouvernement d’avoir fourni des informations sur le Burundi au Comité des Nations Unies contre la torture. Armel Niyongere, Lambert Nigarura, Dieudonné Bashirahishize et Vital Nshimirimana ont, en effet, contribué à un rapport accablant de la société civile burundaise qui dénonce des cas de torture en forte augmentation.

On ne peut pas imaginer un quart d’instant qu’on est devant un système démocratique
Bernard Maingain

Certains observateurs en viennent à se demander si le Burundi est toujours un pays démocratique. D’autant que le 8 juillet dernier, des collégiens ont été arrêtés pour avoir abîmé des photos du président Nkurunziza. Un mois auparavant, des lycéens risquaient 5 à 10 ans de prison pour avoir gribouillé sur une image du chef de l’Etat. « La démocratie est nulle, assure Bernard Maingain. On ne peut pas imaginer un quart d’instant qu’on est devant un système démocratique ».

A ces représailles s’ajoutent des cas de torture pointés du doigt par de nombreuses ONG comme Amnesty International. Entre avril 2015 et avril 2016, des enquêteurs de l'ONU ont dénombré 348 cas d'exécutions extra-judiciaires et 651 cas de torture perpétrées par les forces de l'ordre. «Le système d’impunité du service national de renseignement est une réalité, les mécanisme d’élimination au compte-goutte mais de façon très ciblé ont lieu, la torture a lieu… », affirme Bernard Maingain.

Le Burundi est plongé dans une grave crise depuis l’annonce en avril 2015 de la candidature de Pierre Nzurunziza à la présidentielle. Depuis, les violences ont fait plus de 500 morts et poussé plus de 270 000 personnes à fuir le pays. Pierre Nkurunziza, de son côté, ne semble pas prêt à dialoguer avec l’opposition, ni avec la communauté internationale. Mais peut-être devrait-il se méfier de son propre camp ? « Je pense que le risque qui pèse sur le pouvoir, c’est sa propre implosion, explique Bernard Maingain. Il ne faut pas imaginer qu’il n’y a pas des gens encore sages et raisonnables aujourd’hui à l’intérieur du CNDD-FDD (parti du président burundais, ndlr) qui sont agacés de la dérive totalitaire du système, qui ne correspond en rien à leur attente et au combat qu’ils menaient avant les accords d’Arusha ». En attendant une éventuelle rébellion du camp du président actuel, Nkurunziza continue d'exercer son pouvoir comme bon lui semble. 

Laura Mousset, 11.08.2016 à 11:31, http://information.tv5monde.com

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